L’État et les communes épinglés pour l’utilisation de BriefCam : la CNIL sévit
Le 5 décembre 2024, la CNIL a prononcé plusieurs mises en demeure contre le ministère de l’Intérieur et huit autres communes françaises. En cause : l’utilisation non conforme de logiciels d’analyse vidéo comme BriefCam, qui soulève des questions cruciales sur la protection des libertés individuelles.
Ces sanctions s’inscrivent dans une série de mesures prises par la CNIL pour encadrer l’utilisation des caméras dites « augmentées » et préserver l’anonymat dans l’espace public.
Des technologies sous haute surveillance
Les caméras augmentées, équipées de logiciels d’analyse automatisée, permettent de détecter des comportements ou événements spécifiques comme des attroupements, des stationnements interdits ou encore des objets abandonnés. Une utilisation qui peut sembler prometteuse en matière de sécurité, mais leur déploiement hors cadre légal constitue une atteinte potentielle aux libertés publiques.
Depuis les « Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 » (JOP2024), leur usage en temps réel est permis à titre temporaire et expérimental pour sécuriser certains événements. En revanche, leur utilisation dans d’autres contextes reste pour le moment interdite, sauf pour des analyses différées dans le cadre d’enquêtes judiciaires.
Les remarques de la CNIL
Au ministère de l’Intérieur
- Conformité tardive : Les logiciels comme BriefCam, utilisés depuis 2015 pour des analyses différées, n’ont été déclarés conformes au cadre juridique des logiciels de rapprochement judiciaire (LRJ) qu’à partir de 2023. La CNIL dénonce un retard dans la mise en conformité.
- Reconnaissance faciale interdite : la nouvelle mise à jour de BriefCam permet d’utiliser la fonctionnalité de reconnaissance faciale, illégale dans l’espace public.
Bien que son usage soit resté marginal, la CNIL exige sa suppression immédiate.
Pour les communes
Les usages des caméras augmentées varient, mais plusieurs pratiques ont été jugées problématiques :
- Détection d’infractions en temps réel : Interdite, cette pratique inclut la surveillance automatisée des infractions routières ou des comportements jugés suspects.
- Statistiques insuffisamment transparentes : Bien que légales, les collectes de données à des fins statistiques (comptage des piétons, différenciation des véhicules, etc.) manquent souvent d’information claire aux usagers.
- Analyses sur réquisition judiciaire : Légales, ces analyses doivent être strictement encadrées. Certaines communes n’ont pas sécurisé suffisamment leurs systèmes ou ont laissé des agents non habilités les manipuler.
La CNIL, préoccupée par les risques d’atteinte aux droits fondamentaux, a émis des mises en demeure à six communes et au ministère de l’Intérieur. Elle rappelle l’importance :
- De déclarer et encadrer strictement l’utilisation des logiciels d’analyse vidéo.
- De limiter les fonctionnalités à celles prévues par la loi.
L’usage des caméras augmentées : une problématique récurrente
Cet épisode s’ajoute aux nombreuses controverses autour des caméras augmentées et de l’analyse vidéo. Si leur potentiel pour renforcer la sécurité est indéniable, le risque de surveillance massive reste un sujet de préoccupation majeur.
La CNIL insiste sur des actions prioritaires pour garantir un usage respectueux des technologies d’analyse vidéo :
- Supprimer les fonctionnalités interdites, comme la reconnaissance faciale.
- Informer le public des usages des caméras et des objectifs poursuivis.
- Renforcer la sécurité des systèmes pour éviter tout détournement.
En attendant une régulation plus claire, les collectivités et administrations publiques sont invitées à respecter scrupuleusement le cadre légal existant.
Vers un débat de société ?
Ces sanctions relancent le débat sur le rôle des technologies dans la société. Si leur utilité pour la sécurité est indiscutable, elles ne doivent pas se faire au détriment des libertés fondamentales. La vigilance de la CNIL est essentielle pour garantir que ces outils restent des alliés.